Texte 1
Dans le grand hall baigné par une douce lumière, une voix s’éleva
- L’hybride est incontrôlable, je crois qu’il nous est impossible de riposter. Sa puissance est phénoménale.
- Il a raison. Seul le divin pourrait nous venir en aide à présent.
- En effet, même le Métatron est dépassé, rajouta une autre voix. Nous avons joué toutes nos cartes.
- Pas toutes, déclara une voix dans l’assemblé.
- Qui a parlé ? demanda la première voix.
- C’est moi, dit l’ange, en se levant.
D’une main, il enleva le capuchon blanc qui lui couvrait le visage. De longs cheveux blancs vinrent caresser son bas-dos. Ephélias regarda droit en direction de ses supérieurs. D’un signe, il fut invité à s’approcher de l’estrade. Il enleva sa cape, laissant apparaître deux épées à sa ceinture. D’un pas certain, il avança dans l’allée, le tintement de ses armes comme seul accompagnement. Ephélias posa un genou à terre.
- Qu’aurais-tu à nous proposer, Ephélias du crépuscule ?
- Le batard d’Imzzelgom est non loin d’atteindre la deuxième porte. Je ne crains qu’elle ne soit déjà perdue. Il est trop tard pour tenter quoi que ce soit.
- Comment peux-tu en être aussi sûr ?
- Car il ne reste qu’une chose que nous puissions faire à ce moment, notre dernière chance de mettre un terme au carnage de l’hybride.
- Que proposes-tu donc de faire ? demanda la voix d’un ton courroucé.
- Il nous faut libérer Sandalphon, déclara-t-il
A ces mots, un silence glacial envahit la pièce avant d’être remplacé par un flot de murmure venant de toute part. Mais Ephélias, sûr de lui, ne cilla pas. Aucune émotions ne vint le troubler, il resta stoïque face à l’indignation des autres.
- Auriez-vous perdu tout bon sens ? répliqua la voix, débordant d’une colère palpable. Vous semblez oublier la puissance incontrôlable de Sandalphon. Pourquoi croyez-vous qu’il soit prisonnier du cristal.
- Je crois hélas que ce soit le dernier espoir qu’il nous reste. Délivrons-le et envoyons-le à la rencontre de l’hybride. L’esprit de Sandalphon à eu tout le temps de se développer durant son emprisonnement. Il saura maitriser sa puissance accru au fil des décennies.
- Je n’ai pas confiance en votre jugement, mais vous avez raison sur un point : c’est la dernière chance que nous avons. Alors ainsi soit-il ! s’exclama la voix.
Ephélias se releva et se dirigea vers la sortie du grand hall avec un simple sourire au coin des lèvres.
Gabriel fut conduit par les enfants de Gaïa à travers les volutes de brouillard jusqu’au passage qui mène aux autres mondes. Durant tout le trajet, les mots du vieux lycan lui revenaient sans cesse à l’esprit. Pourtant, l’ange ne parvenait pas à se concentrer sur les dires. Dans cet environnement brumeux, où seul le noir côtoyait le gris, un paysage sans couleurs, là tristesse et la mort étaient de bonnes amies. Gabriel se demandait encore comment les hybrides avaient survécu tant de temps ici. Finalement, ils s’arrêtèrent. Le Lycan qui menait le groupe désigna du doigt, au loin, l’entrée d’une grotte et tout de suite après, la tâche rouge qui tournoyait dans le ciel terne.
- C’est ici, déclara-t-il. Le passage est là-bas.
- Et là haut est le monstre que vous redoutez tant. Pourtant, de si loin, que peut-il bien faire ? répondit Gabriel.
- Tu juge bien vite pour un ange. Ce monstre est un cracheur de feu. Même d’aussi loin, les flammes de son souffle gardent toutes leur chaleur et brûle tout sur leur passage.
- Très bien, je vais voir ce que je peux faire.
Et sur ces mots, l’archange porta la main à sa ceinture, et la réalité lui revint bien vite à l’esprit. Il avait perdu tout ses habits et son épée. Une vague de découragement le submergea. Le vieux lycan percevant son désarroi, fit signe à un autre hybride de s’approcher. Gabriel déplia ses ailes blanches et s’apprêta à s’envoler lorsqu’il sentit la patte d’un lycan se poser sur son épaule. L’un des enfants de Gaïa lui tendit une lame, enveloppé dans un tissu rouge. Reprenant confiance en lui, l’ange saisit la garde qu’on lui tendit et la souleva avec aisance. Il resta admiratif devant une telle beauté.
- C’est une lame très ancienne, annonça l’ancien. Nous la conservons depuis bien longtemps. Elle te sera plus utile qu’à nous, tu n’a pas de griffes toi.
Gabriel hocha la tête, acceptant par la même, le cadeau qui lui était fait, et s’envola dans un battement d’ailes.
Imzzelgom et Samaël, toujours autour du miroir, contemplait l’exploit de David.
- Je dois avouer, commença Samaël, que ton batard à réussit. Mais cela n’était que la première des neuf portes.
- Je n’ai aucun doute sur les capacités de mon fils, surenchérit Imzzelgom. Bientôt, très bientôt, les neuf portes feront partit du passé, et nous étendrons notre domination aux autres mondes.
- Ton impatience apportera dans sa course l’imprudence, et alors, mon cher Imzzelgom, que feras-tu ?
Le père allait répondre, lorsqu’un démon s’approcha de lui. Il se baissa pour écouter la requête du petit être et laissa transparaître l’espace d’une seconde, de l’inquiétude mêlée à de la peur. Reprenant un air grave et assurer, il se retourna vers Samaël.
- Des mauvaises nouvelles ? demanda-t-il
- Aucune que mon fils ne puisse surmontée, mon cher, répliqua-t-il en replongeant son regard dans le miroir, juste à temps pour voir son fils ouvrir l’assaut sur la deuxième porte.
- J’aurais une dernière question à te poser : ton batard est à moitié humain. Comment as-tu fait pour qu’il renie sa part d’humanité.
- C’est très simple. J’ai fait en sorte que les humains le renient. Ils ont cru qu’il était malade, souffrant de « la peur sans nom » comme ils l’appelaient. J’ai porté le coup de grâce lorsqu’il a commencé à se cloîtrer dans sa chambre. J’ai ordonné qu’on tue ses parents, son seul lien d’humanité encore existant. Sans ses parents pour le nourrir, j’ai demandé à une jeune hybride de lui apporté de déposer de la nourriture devant sa porte chaque jour. En aucun cas elle ne devait voir David. Il vécu tant d’années isoler des humains, renier et maudit par eux qu’aujourd’hui il leur voue une haine incommensurable.
- Je dois avouer que c’est finement jouer, Déclara Samaël, alors que dans le miroir, David faisait fondre la deuxième porte.
- Il prend en assurance vois-tu, il a détruit la deuxième porte encore plus vite que la première.
Ils se mirent alors à rire d’un rire grave en voyant le chaos que semait l’hybride sur son chemin.
Ephélias entra dans la pièce inondé de lumière réfléchit par des murs d’une blancheur éclatante. Seul au milieu de la salle trônait le grand cristal dans lequel on pouvait apercevoir Sandalphon, plongé dans un profond sommeil.
- C’est l’heure mon ami, il est temps pour toi de te réveillé de ton long sommeil et de montrer aux autres ta véritable puissance, murmura l’ange à l’intention du prisonnier.
Il posa une main sur le cristal qui se mit à scintiller quelques instants avant de disparaître, laissant ainsi tomber sur le sol le captif. Ephélias se pencha alors pour aider Sandalphon à se relever.
- Il y a bien longtemps que je n’avais respiré un air si pur. Qu’il est bon d’être libre.
- Hélas, nous te libérons en des temps très sombres, soupira Ephélias. Un grand malheur s’abat sur nous. Imzzelgom a eu un batard, un hybride : David. Ce lycan marche en ce moment même sur les neufs portes. Il en a déjà détruit deux et il ne semble même pas essoufflé. Sa puissance est incommensurable. Tu es notre dernier espoir.
- La situation que tu dépeins est bien noire. La première qualité d’un ange n’est pas d’avoir espoir en l’avenir. Mon esprit s’est beaucoup développé pendant ma transe et j’espère pouvoir maitriser la puissance que le divin a placée dans mon corps.
- Mais tu es encore faible, rajouta Ephélias. Je vais te conduire jusqu’à la troisième porte. Il faut que nous y arrivions avant les légions démoniques.
Plaçant alors un bras dans son dos, l’ange aida Sandalphon à sortir de la pièce.
Gabriel gagnait encore en altitude. La tâche rouge se précisait à chaque battement d’ailes. C’est alors qu’un torrent de flamme jaillit dans sa direction. Il esquiva en roulant sur le côté, mais dû aussitôt rouler dans l’autre sens pour éviter un nouveau pilier de feu. Les projectiles tombaient avec rapidité, et l’ange avait tout juste le temps de les éviter. C’est alors qu’il l’aperçut : son plumage enflammé, sa tête d’aigle aux yeux et ailes dorés et ses pattes de lion. A défaut d’un oiseau, c’était un griffon qu’il allait affronter. Les boules de feu ne cessaient de jaillir de son bec, avec toujours plus de rapidité. A celles que l’ange ne pouvait échapper, il les tranchait avec son épée dont la lame ne rougissait même pas. Se rapprochant toujours plus, Gabriel essayait de trouver une faille dans la défense du monstre. Mais aucune ouverture ne semblait s’ouvrit dans son attaque.