Les Songes du Crépuscule
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 Textes de Février en Lice

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MessageSujet: Textes de Février en Lice   Textes de Février en Lice EmptyLun 26 Fév 2007 - 10:05

Voici les trois textes de Février. Il va falloir rapidement désigner un vainqueur, mais ca se passe dans un autre sujet.


Texte Numéro 1




Obscurité latente. Rien. Pas une lumière et pourtant David était conscient. Ses yeux roulaient sous ses paupières closes et il tentait tant bien que mal de rassembler ses idées. Que s’était-il passé au juste ? Il ne s’en souvenait déjà plus. Ah, si ! Le spectre … Cette apparition démoniaque qui lui avait fait perdre la raison, si tant est qu’il n’en ai jamais eut une. Il s’était alors évanoui tandis que cette créature sortie de la malle avait revendiqué son existence. Mais n’avait-il pas rêvé ? Après tout, tout ceci ne pouvait être qu’un rêve.
Il hésita longuement avant d’ouvrir les yeux. Un calme étrange et irréel l’habitait depuis quelques minutes. Pour la première fois depuis longtemps, il se sentait bien. Peut-être que sa vie n’avait été qu’un long cauchemar et qu’il allait renaître. Ses paupières se soulevèrent doucement.
La première chose qu’il vît, c’était la fenêtre, grande ouverte, avec cette pâle clarté qu’offrait la pleine lune. L’astre brillait de toute son intensité et sa taille dépassait l’entendement. On aurait pu croire que ce satellite était descendu pour baigner David de sa lumière. Les rideaux, soulevés par une brise légère, dansaient de façon sensuelle et souple. Le malade ouvrit complètement les yeux et se redressa sur sa couche. Rien dans la chambre ne semblait avoir changé, si ce n’était l’atmosphère paisible qui flottait dans la pièce.
C’est alors qu’il le vît, assit dans l’ombre, et son visage exprima l’horreur. Un sosie, s’il put en exister un, couvert d’une matière sale, épaisse et volatile de la tête au pied. Cette apparition grisâtre l’avait terrorisée plus tôt dans la soirée, il s’en souvenait à présent. Mais quelle heure était-il ? Combien de temps s’était écoulé depuis leur rencontre ? Le spectre souleva la tête et son visage afficha une profonde satisfaction :
- Vous voilà réveillé Maître ? Enfin !
David recula de surprise en entendant de nouveau cette voix si semblable à la sienne, mais si claire, si assurée.
- Au nom du ciel qui êtes-vous ? Que me voulez-vous et que faites-vous ici ?
- Qui suis-je ? Voyons, comment avez-vous pu l’oublier ? Je suis vous, Maître. Du moins ce que vous avez toujours voulu être.
Instinctivement, David regarda ses mains et les posa sur son visage pour se sentir vivant. Il resta ainsi un instant et ferma les yeux pour que s’échappe cette vision incroyable. Lorsqu’il les rouvrit, le spectre était toujours là. Il lui jeta l’oreiller au visage.
- Va au Diable, créature maléfique, tu n’existes pas.
L’objet fut évité par son interlocuteur avec une vivacité fulgurante.
- Bien sûr que si, j’existe Maître, puisque vous m’avez créé. Je suis le mensonge de votre vie, je suis l’illusion de votre être. J’ai rongé votre âme et volé vos rêves. Mais vous m’avez rejeté, il y a trop longtemps déjà et il est temps pour moi de me libérer de votre joug.
Le spectre se leva, tournant le dos à son concepteur et se dirigea vers le balcon. Un souffle vif s’engouffra par la fenêtre et fit voler la poussière qui le recouvrait. Les cendres se mirent à danser dans la chambre, recouvrant le plancher moisi, les draps jaunis et les parcelles de peau que David avait laissées hors de sa couvrante. C’est ainsi qu’apparut devant lui un jeune homme fier et droit, vigoureux et vif, sûr de lui. Cette silhouette qui lui avait semblée rabougrie et fade s’avérait être longue et harmonieuse. Le spectre n’avait été jusque là que le pâle reflet de lui-même. David aurait pu être ainsi, si, en plus d’être resté enfermé toute sa vie, il avait vécu dans l’immobilisme le plus total, laissant les années le recouvrirent de poussière. Mais à présent la différence était flagrante et son double était tout autre. Grand et arrogant, il fit face à son Maître, lui dévoilant sa superbe.
- Voici ce dont vous avez toujours rêvé. Je suis l’incarnation de votre désir le plus profond. N’est-ce pas ?
Il partit d’un éclat de rire bruyant et cynique.

Il se mit à déambuler avec aisance, faisant claquer ses talons sur le sol. Il passa devant le lit et rejeta les draps, dévoilant le corps rachitique du malade. David, à quatre pattes sur le sommier grinçant, essayait tant bien que mal de cacher ses formes disgracieuses. Le spectre se posta devant lui et le jaugea.
- Regardez-vous. Vous n’êtes qu’un cadavre en devenir que vos proches cherchent à enterrer et faire disparaître. Vous êtes la honte de votre lignée, vous êtes la peur de vos gens et le monstre qui hante les cauchemars des villageois. Quand vous déciderez-vous à réagir ?
David resta interdit, les yeux dans le vague, cherchant désespérément un soutien, de l’aide. Mais qu’aurait-il pu trouver sinon le vide ? Il était seul, comme toujours, devant le fruit de son imagination qu’il ne pouvait plus maîtriser.
- Où est le manuscrit ?
- Vous devez sans doute parler de vos écrits ? Je les ai jetés au vent qui s’est chargé de les porter au loin. Ne cherchez pas à m’enfermer de nouveau, c’est inutile.
Aucun mot griffonné sur une feuille ne pourrait désormais altérer son caractère, changer ses traits ou le faire disparaître. David venait de libérer son alter-ego et ne pouvait plus revenir en arrière.
- Que comptes-tu faire de moi ?
- De vous, ricana-t-il, il n’y a pas grand chose à faire. Pourtant je ne suis pas ingrat et j’aimerais vous offrir une chance.
- Une chance ? Mais de quoi ?
- De vivre ! Vous m’avez offert une existence et j’espère pouvoir vous rendre la pareille.
- Mais, quelle existence peut avoir un être condamné ?
- Ca, c’est ce que vous voulez bien croire. Vous vous murez dans cette chambre depuis tant d’années que vous n’avez aucune idée de la saveur du monde extérieur. Et j’entends bien le parcourir, ce monde… Avec ou sans vous !
- Mais mon père est formel : mon mal est incurable et je ne peux quitter les lieux sans risquer de mourir sur-le-champ.
David restait immobile, assis sur son lit en chemise de nuit. Les rayons de la lune accentuaient son teint blafard. Il observait ahuri sa création, faire les cent pas dans sa chambre. Tandis qu’il se lamentait sur son sort, le spectre était déjà affairé ailleurs. Il nouait les draps entre eux et attachait le tout à la balustrade. Il fit plusieurs allers-retours pour mettre son plan en place. Cette échappatoire était vieille comme le monde, mais il comptait bien la mettre en application.
- Voilà ce que je vous propose. Je ne compte pas m’éterniser ici, et bien que vous vous complaisiez dans cet espace que vous osez appeler chambre, et que je qualifierais plutôt de placard à balais, je vous propose de me suivre… Ce soir… Maintenant !
Il alla vers le balcon et enjamba le parapet. Son regard se fixa dans celui de son Maître. Il était temps désormais de faire un choix.
David savait que cette fois, ce serait irréversible. Il craignait la mort autant qu’il y aspirait. Il savait que toute excursion serait une condamnation. Mais curieusement, il se sentait en meilleur état depuis l’apparition de son personnage. Aussi loin que remonte sa mémoire, il ne se souvenait pas d’avoir arpenté le domaine lorsque les ténèbres le recouvraient. Il n’avait jamais profité de la fraîcheur nocturne, ni marché à l’abri des ombres fantastique qu’il avait si longtemps observées de loin. Il avait souvent rêvé de déambuler tel un fantôme dans le parc et de se surprendre lui-même. Il avait souvent espéré trouver sa Clarimonde dans le reflet du bassin, dans le souffle du vent ou dans les silhouettes étranges que la nuit faisait apparaître pour la plus grande terreur des vivants. A n’en point douter, lui était mort depuis longtemps. David réalisa alors que personne ne remarquerait son absence, puisque personne ne se souciait de son sort et que la destinée aux yeux des autres ne lui réservait rien, si ce n’est finir entre ces quatre murs.
Prenant son courage à deux mains, il ouvrit l’armoire à la recherche d’une tenue de voyage. Il n’en avait naturellement pas, et son choix se porta sur les vêtements les plus résistants et les plus confortables qu’il possédait. Un pantalon de tweed anthracite et la veste assortie, sous laquelle il passa une chemise blanche et un gilet de lainage noir, feraient l’affaire. Il enfila une paire de chaussette en laine et mit pour la première fois les chaussures que sa mère lui achetait chaque année pour aller à l’église et qu’il n’avait jamais l’occasion de porter. Il chercha vainement dans sa chambre tout ce qui aurait pu servir au vagabond qu’il allait devenir. Il trouva alors des objets qu’il eut été bon de retrouver sur le cadavre d’un malade désespéré : une mine de plomb, un recueil de poésie visionnaire, écrit par des poètes maudits, et un flacon du remède que son père lui laissait toujours sur sa table de chevet et qu’il omettait de prendre la plupart du temps. Il mit le tout dans une besace qui n’avait d’utilité que son existence et s’approcha de la balustrade.
Son double était déjà en bas. Il tenait le drap, les yeux rivés sur le balcon, attendant que son Maître ose sauter le pas et le rejoindre. Lorsqu’il le vît enfin, une lueur de délectation apparut dans son regard. Il jubilait à l’idée de mettre à l’épreuve celui qui l’avait enfermé. Avec des gestes non assurés, David enjamba à son tour le parapet. Assit sur le rebord, tremblant de peur, autant que d’excitation, ses mains cherchèrent à l’aveuglette le linge qui lui servirait de corde pour fuir l’antre de sa maladie. Il n’osait regarder en bas et c’est les yeux toujours rivés vers la chambre qu’il parvint à saisir le drap. Il tourna alors le dos au parc et fit ses adieux à la pièce qui lui avait si longtemps servit de cercueil. Tout en se laissant lentement glisser, le monde qu’il avait toujours connu disparut.
David se concentra alors sur son escapade. Il lui restait à peine quelques mètres à parcourir, lorsqu’il entendit le tissu céder peu à peu sous son poids. Comment se pouvait-il qu’un jeune homme aussi maigre que lui, puisse parvenir à déchirer ce drap. Paniqué, il regarda le spectre qui arborait un sourire sarcastique au pied du manoir.
- Allons Maître, il serait temps de vous dépêcher. La lune est belle, nous sommes au beau milieu de la nuit et le monde nous attend.
David accéléra ses mouvements devenant de plus en plus incertains dans sa descente. Le balancement de son corps ne faisait que précipiter la déchirure imminente des draps. Il suait à grosses gouttes et tentait désespérément de se calmer. Mais au lieu de cela, ses membres ne lui répondaient plus, ils s’agitaient, se battaient dans le vide contre cette chute dangereuse, car le drap céda enfin, laissant choir le malade au pied de sa créature.
Curieusement la douleur ne fut pas aussi vive qu’il le pensait. Il avait certes des contusions dues au choc, mais l’herbe tendre du parc avait amorti sa descente brutale. Il se releva lentement, prenant conscience alors de l’épreuve qu’il venait de franchir. Tel un mort qui accède au paradis, David avança émerveillé, se délectant de la beauté du monde extérieur et de la douceur de l’air. Il s’approcha du bassin et pour la première fois vit son reflet : un visage sec aux joues creusées, des yeux quelque peu exorbités, abrités par une arcade sourcilière inquiète. Un regard tendre et apeuré à la fois, qui s’apaisait au fur et à mesure qu’il se découvrait. Ses lèvres étaient fines, légèrement pincée, son nez droit et atypique. Il toucha du bout des doigts ce visage qu’il ne reconnaissait pas et poussa en arrière les mèches de cheveux bruns qui lui couvraient son front. Il se rendit compte à quel point ses mains étaient osseuses. Il n’arrivait pas à discerner la couleur de ses yeux, mais devinait qu’ils devaient ressembler à ceux de sa mère dont il avait souvent admiré le vert absinthe.
Il se redressa et regarda son compagnon de misère. Le voyage commençait ici et curieusement il n’avait plus peur. Son mal ne s’était pas encore réveillé, il savait désormais qui lui serait impossible de revenir en arrière. Il ajusta la besace autour de son corps famélique, secoua son pantalon. Cette fois sa création lui adressa un regard plein de gratitude et d’estime.
- Il est temps à présent.
Tous deux se dirigèrent alors vers la grille à l’entrée du manoir. Elle grinça bruyamment lorsque David l’ouvrit, mais ce vacarme lui sembla comme un chant d’adieu. Il franchit le portail, suivit de sa créature. Son attention fut retenue une dernière fois par la maison de son enfance. Il n’y avait rien à regretter là bas. Il tourna le dos au passé. Une route nouvelle s’ouvrait devant eux.


Dernière édition par le Lun 26 Fév 2007 - 10:07, édité 1 fois
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MessageSujet: Re: Textes de Février en Lice   Textes de Février en Lice EmptyLun 26 Fév 2007 - 10:06

Texte numéro 2



Perdu dans les méandres de ses questions gangréneuses il ne perçu pas le léger mot, léger, mais ô combien révélateur de l’étrange apparition. Non, sourd il l’était, le regard vide et agrandis sur un monde que seul lui connaissait…Alors, la parole lui revint et de ses lèvres craquelées se déversa des mots. Des mots ô combien stupides.
- Pourquoi n’es tu pas à l’image d’une fée ? Svelte et rieuse…Douce, belle et non cette espèce de chose sans consistance ?
Essoufflé par ses simples mots, David, le brave David, se retourna, mais le mur lui offrit un soutiens sommaire. Ses yeux cernés tranchant avec la pâleur de sa peau, scrutèrent cette ombre mouvante. Curiosité, peur peut être. Il ne savait avec certitude. Ou alors, alors tout cela n’était que rêve. Oui, c’est cela qu’un rêve. Sa maladie avait eut raison de lui. La maladie ou sa folie ? Il ne savait plus. Seul, perdu dans cette immense maison sourde et aveugle à ses cris, il perdait le contact avec la réalité. Tout se confondait, un maelstrom d’illusions, de sensations auquel il ne comprenait rien. Dans un rêve, tout lui était possible. Un rêve, s’était son monde à lui, il en était le seul Maître, le seul Dieu.
Le spectre flottait devant lui, dans ce qui lui semblait être à ses yeux juste de l’incompréhension. Le spectre vola, fluide dans l’espace. David le regardait, fasciné. Ce rêve….Ce rêve n’était pas le même que d’ordinaire. Non, il y avait comme une volute de réel. L’imaginaire se mêlait avec la réalité tangible et horrible de sa vie de reclus. Faiblard, il tenta de se relever. Peine perdue, il retomba lourdement. Pourtant dans ses songes, il était fort, puissant, poète. Alors pourquoi… Etait ce la réalité finalement ? Est ce que cette chose étrange et vide de matière était réellement devant lui. S’adressant à lui comme à un monarque ? Non, impossible, lui hurlait son esprit. Mais son esprit était il seulement encore présent ? N’était-il pas disparu dans ses errances ? Il fît la sourde oreille.
- Qui es tu ?
La question franchit ses lèvres avec effort. Il était si faible, ses doigts lui faisaient mal. Rampant comme un animal, geignard, il s’était allé à l’humiliation d’appeler à l’aide. Aide qui ne rencontrait que le vide. Aide que personne n’entendit. Personne ? Si ce truc bizarre qui lui donnait du maître. Folie, aliénation…Enfin, il découvrait le goût si abject de sa folie. Curieusement, il lui trouva un arrière goût de sucre. Fou ! Voilà, il avait finis par perdre la bataille qu’il menait depuis son enfance. Fou, il l’était. Le spectre virevolta dans l’air, ondoyant lentement en de souples mouvements hypnotiques. Fasciné, il l’était. Il avait sa réponse, ce n’était ni un rêve, ni la réalité, c’était le monde de sa folie. De celle qui ne l’avait jamais quitté, attendant son heure, tapie dans les méandres de son esprit tortueux. Douce aliénation que voilà. Chantante comme une litanie d’Orphée dans ses oreilles, douce comme le baiser d’Aphrodite, dévastatrice comme la lame d’Arès.
-Tu sais Maître…Tu sais qui je suis….
La voix de la mort, si tant est qu’il l’ai déjà entendu. Ce spectre, cette chose sans matière, possédait la voix de la mort. Douce, hors du temps. Il se laissa un instant bercer par sa douce mélodie, accent rocailleux, fluidité du son. La mort devait être douce, à l’image de sa voix. Elle touchait son ventre. Etrange, nulle douleur ne vint le clouer sous son poids. Non, il ne savait pas. Produit de son imagination ? Enfant de son aliénation ? Fruit de son esprit malade ? Rejeton de son corps meurtri ? Il avait beau le regarder, encore et encore, il ne savait pas. Et pourquoi lui ? Qu’avait il de si particulier, mise à part ses souffrances et ses espoirs. Douces rêveries enfermées dans un coffre de bois, celui là même qui avait vomi cette étrange apparition. Mais ses songes étaient doux, emplis de fées et autres illusions imaginaires, si belles en lui. Non, ces songes ne ressemblaient en rien à cette chose décrépite et repoussante. Ils étaient doux et suaves….Alors quoi ? Qui était il ? Que lui voulait il ?
-Que veux tu ?

Il cracha presque ses mots, avec le peu de force qu’il lui restait encore. Avec une autorité presque vaine. Un énième soupir le secoua dans un espoir vain de retrouver ce souffle perdu, dans son corps malingre et faible, rejeté dans la douleur par ses poumons flétris. Il leva une main aux doigts décharnés, les veines saillantes se tendirent. Un instant, il crut qu’elles allaient se romprent sous l’effort. Sa main retomba inerte, paume sur le ciel. Le spectre tendit à son tour la sienne…Ou ce qui y ressemblait. Il voulut le toucher, lui, l’homme au corps rongé par le mal. Comme au ralenti, comme ses belles scènes montrées sur de jolies gravures anciennes, la forme avachie souhaita trouver l’apaisement dans ce contact. Mais cela lui fût refusé. Pâle et morte, sa main ne rencontra que le vide. Le spectre se redressa. On le sentait anxieux, inquiet, il refit des bonds dans l’air, de sa bouche ouverte aurait pu s’échapper un cri qui finirait dans un hurlement. Seul la voix du silence s’éleva, vibrante malgré l’absence de note.
David frissonna. Tiens, il le pouvait encore ? Alors il n’était pas mort ! Pas mort non, juste fou. Et la folie était belle malgré tout. En elle, peut être, pourrait il s’échapper, se perdre dans ses bras blancs et oublier ce qui le rongeait de l’intérieur, comme un rat affamé. Oui, il ferait de la folie sa compagne. Elle remplacerait les étreintes douces et fougueuses d’une amante. Il l’aimerait, il l’aimerait comme son sauveur, comme il aimerait une femme de chair. Le spectre sembla se calmer…David crut le voir sourire, absurde ! Cette forme avait-elle seulement des lèvres ? La folie vivrait en lui et lui en elle. Il se nourrirait d’elle et elle de lui. Oui, pourquoi lutter contre elle ? Pourquoi, alors que son baiser était si doux ? Lentement, il sombra en elle, lentement, le spectre s’approcha et David lui sourit. Il sourit au vide, ses yeux fatigués se perdirent dans l’espace crée pour lui, par lui. Son monde à lui, son univers où il serait fort, puissant, poète…et amoureux. Amoureux fou d’une femme à la belle chevelure, aux lèvres roses, aux prunelles de soie…Une femme qui se nommerait folie, aliénation, rêve, songes…Oui, une femme qui serait tout cela et plus encore. Une femme qui serait lui.
Le spectre vola lentement au dessus de lui. Les secondes s’égrenèrent comme une éternité. David leva le regard, sur sa face meurtrie, un air béas. On lui tendait les bras, on l’appelait, on susurrait son prénom. Musique envoûtante, ensorcelante, il ne pouvait résister. Mais le voulait-il seulement. Non, il était vaincu, victorieux. Il sourit. Suave, ondoyant, il glissait sur les nuages de son esprit. La forme descendit lentement, tellement lentement, alors que lui, lui frémissait de la sentir contre sa peau. Oui, il trépignait de son étreinte, absurde mais il savait qu’elle serrait son accomplissement. Sa porte de sortie, celle qui lui ouvrirait le portail d’un monde fait pour lui, à son image d’homme. Oui, bientôt il deviendrait celui qu’il aurait dût être. Celui qu’il aurait aimé être. Il quitterait ce corps malade, pourrissant, emplit de bile et de sang. Il ne serait plus cette chose de chair putride. Il serait beau et fort. Bientôt, mais il attendait, il le voulait tellement. Cette idée était comme une source limpide pour un assoiffé. Assoiffé, il l’était, avide, pressé. Une nouvelle urgence courait dans ses veines, un regain d’énergie le tendait vers ce spectre qui ne semblait pas finir de descendre.
Halluciné, David ne le quittait pas des yeux. Et si il partait ? Et si il le quittait ? Non ! Cette pensée lui était insupportable. Jamais, il avait besoin de lui… d’elle… il ne savait plus. Un besoin trop fort, brûlant le dernier restes de raisons qui l’habitaient. Il la sentait l’abandonner, laisser la place. Il n’en avait cure, il lui aurait même dis au revoir si les mots pouvaient encore passés ses lèvres, il la sentait s’éloigner avec un sourire fou. Emplit d’espoir, il fixait cette forme. Elle lui promettait tellement, et plus encore. Un renouveau, une nouvelle vie. Promesse qui devint son cœur. Il aurait voulut le hurler à la face de ce monde noir et puant, le crier à la face de ses parents, tellement suintant de peur devant son mal.
Là, cette nuit. Il allait renaître, revivre. Il le sentait, la folie l’aimerait et le ferait porterait en son sein, puis elle l’accoucherait dans une nouvelle perfection. Il serait son fils, et son maître, elle serait sa mère et son amante. S’il l’avait pu, il aurait rit, rit comme jamais, il aurait laisser la bride à sa joie aliénée, explosé sous sa fougue. Le spectre rit pour lui, sa silhouette fantomatique tressauta, mais aucuns éclats de vint troubler le silence.
-Je suis heureux, pour la première fois de ma vie, je suis heureux…
Ce fût un murmure à peine audible, ce fût le signal. L’ombre qui le surplombait de son irréelle aura fondit sur lui. Il gémit sous son invasion. Son corps fût pris de tremblements, le sang jaillit encore de sa bouche, coula en rivière sur son menton, tacha son vieux peignoir élimé. Mais il vivait tellement, la force grondait dans ce sang qui s’écoulait de la commissure de ses lèvres. Les yeux clos, il respira enfin. Libre, il était libre ! Il avait accepté le don que la folie lui faisait. Il l’avait absorbé, elle s’était fondue en lui, ils ne faisaient qu’un. Ensemble, ils étaient plus forts que cette horreur qui rognait ses forces et sa chair. Seul, empreint d’énergie, il se leva. Ses jambes ne tremblaient plus, son ventre se faisait oublier. Un pas. Le premier depuis des années, le vrai pas, celui qui affirme son avancée. Un deuxième, un troisième. Son visage changea soudain. Il perdit cet air blafard, le rose s’insinuait sous sa peau, les ombres sous ses paupières s’évanouirent sous la lumière nouvelle qui animait ses prunelles. Eclatante, la flamme brûla dans le bleu si pur de ses iris, la brillance revint dans ses boucles claires. Auréolant sa tête d’une couronne de lumière. Sa peau se tendit, perdit ses rides de malade, devint douce sous sa main maintenant forte et puissante. Il la posa sur la rampe d’un escalier de bois vernis. Subjugué, il la regarda fixement, où était sa pâleur ? Ses nerfs seyants ? Il ne voyait que beauté, beauté des formes, grâce des gestes. Oui, il était beau, beau comme le lui hurlait le reflet qui lui souriait dans une vitre noire de crasse. Lentement, il tourna sur lui-même, souple et gracieux. Envolé les ombres dégoulinantes de mal, terminé son souffle faible, envolée sa laideur de cadavre, un peu comme si on avait soulevé un voile d’ombres sur lui, dévoilant sa lumière. Une à une, il descendit les marches, s’émerveillant d’être seulement capable de le faire. Les marches craquèrent sous son poids. Cela faisait des années qu’elles n’avaient pas été foulées. Au dehors, la lune l’appelait, le chant des oiseaux nocturne résonnait, hypnotique, il fût surpris de les entendre, une douce chanson, souvenir de sa vie d’enfant, avant que le noir ne l’enferme. Emerveillé, il entendit le doux murmure du vent, souple et inaltérable. Sa main, si belle, si forte, se referma sur une poigné de cuivre, la porte s’ouvrit devant lui. Révélant les beautés du dehors. Il sortit. La lumière l’éblouit, l’auréolait de ses rayons, lumière blafarde d’un astre si pâle. Il écarta les bras, le vent l’emporta dans son étreinte, caressant ses formes. Il s’offrait. Il descendit les marches du perron. Tournoyant sur lui-même, le visage offert à la lune, maîtresse de cette nuit de renaissance, il rit, à gorge déployée il rit. Jamais la vie n’avait autant coulé dans ses veines, rampante dans le creux de son ventre, rugissante en lui. Conquérante, elle s’appropriait son corps, son être, son âme. Vivant ! Enfin ! Sa danse continua de plus belle, portée par sa joie, sa découverte d’un corps sain. Il tournoya, tournoya encore, plus vite, encore plus vite, toujours plus vite. Le monde se fondit dans un mélange de couleurs et de sons, il souriait, au ciel, à l’astre d’argent, au monde autour de lui. Il souriait à la vie, à l’éternité. David tournait. David vivait. David souriait et bientôt de ses lèvres si souvent closes de douleur, s’échappa une mélopée. Les mots coulaient tout seuls, comme animés d’une vie propre, les notes glissaient si facilement. Il tenait son avenir dans sa main, détruisait son passé noir et putride et son présent chantait par sa bouche. Enfin ! Il était fort, beau….Et poète. Pour quelques minutes à peine. Le spectre le quitta, le monde perdit son éclat, il s’écroula soudain…Son corps se flétrit à nouveau. Devant ses yeux à nouveau aveugle, la silhouette flottait…

-Sais tu qui je suis maintenant ?
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MessageSujet: Re: Textes de Février en Lice   Textes de Février en Lice EmptyLun 26 Fév 2007 - 10:07

Texte numéro 3





Mais rien ne sortait de la bouche de David qui fixait son étrange compagnon d’un air de mort.

- « Quel est cet air sur votre visage maître ? Père, grâce à vous je suis. Je ne peux plus laisser personne vous faire le moindre mal. »

Doucement, l’esprit ferma alors ses yeux. Ses lèvres se murent mais David n’entendit aucun autre son que celui de la pluie naissante ruisselant sur les vitres du corridor. Une nouvelle douleur le traversa de part en part, une nouvelle envie de vomir le reprit. Relevant les yeux vers le spectre, David aperçut une ombre sortir de l’obscurité. Un loup blanc aux yeux rouges sang vint s’asseoir juste à côté du fantôme. Le tonnerre grondait à l’extérieur. S’agenouillant, il caressa la bête.

-« Il est temps de vous reposez, père. Ne vous inquiétez point, je suis là maintenant. »

Sur ces mots, le loup se jeta sur David. Tombant sous le poids de l’animal, il sentit son esprit quitter son corps, perdant le contrôle total de ses actes. Il sombra dans l’inconscience, se perdant dans un trou noir, sans émotions.

David ouvrit les yeux, une affliction torturant ses muscles. Il était de nouveau dans sa cellule, allongé sur son lit. Tout ceci n’avait donc été qu’un cauchemar, une chimère. David ne savait pas. Pourtant, c’était le même plafond pourri qu’il regardait comme chaque fois qu’il ouvrait les yeux. Toutes ces douleurs, tout ce mal, le spectre et son loup, tout ne semblait être maintenant qu’un lointain souvenir.

D’un mouvement las, il tourna la tête pour observer le reste de sa chambre. Rien ne semblait avoir changé. Toujours la même crasse partout, le même parquet moisi. Son regard s’arrêta sur la porte de sa chambre, entrouverte. Pourquoi ? se demandait David. En huit ans, jamais ses proches ne l’avaient laissé ainsi plus de quelques secondes, le temps de déposer un plateau de vivre. Un goût de sang dans sa bouche lui retourna alors l’estomac, l’obligeant à vomir au pied de son lit.

Tout n’était pas aussi normal qu’il l’avait d’abord imaginé. C’est lorsqu’il se redressa qu’il fut convaincu. Son corps et son lit étaient couverts de sang. David se leva précipitamment, tombant sur le sol putride. Ses yeux se posant tour à tour sur ses mains et sur sa couche, couverts d’un sang qui n’était vraisemblablement pas le sien. La vie te méprise, David.

Pendant quelques minutes aussi longues qu’une éternité, il resta là, figé devant cette vision d’horreur. Son esprit était assiégé d’une multitude de questions mais aucune réponse ne venait les confronter. Finalement, il se leva doucement, et passa la porte de sa chambre. Aucun mot ne peut décrire ce que ressentit David quand il découvrit le corridor. Une peur mêlée de terreur, l’impression qu’il était toujours dans son cauchemar, un cauchemar tout droit sortit d’un esprit tourmenté. Les tapisseries arrachées reposaient sur un sol souillé, des lacérations tachées de sang parcouraient les murs. Les portes en bois semblaient avoir explosées sous les coups. Mais dans quel monde es-tu tombé, David.

David se mit en marche, à travers cet univers dévasté, anormalement silencieux. Un pas après l’autre, délicatement, posant prudemment ses pieds nus sur le sol saccagé, il se dirigeait vers la chambre de ses parents.

Il poussa le lourd battant de la porte qui tenait encore fragilement sur ses gonds. Dans un crissement effroyable, elle laissa place à une scène d’une horreur insoutenable. La pièce n’avait plus aucun ordre, tout avait été ravagé, détruit. David vit alors, du sang, partout, du sol au plafond, des murs au tenture du lit. Tout était taché. Un odeur lourde, avarié planait. Toujours aucun son, un silence de mort pesait sur le manoir. Deux corps gisaient sur la couche maculé. Il s’approcha, mais la vue de la terreur figé sur le visage de ses parents lui était insupportable. Il vomit de nouveau, surtout du sang. Ce goût des plus désagréable qui ne voulait quitter sa bouche.

« Qui ? Comment ? Pourquoi ? » Tant de mystère que David essaya de résoudre. « L’attaque d’un animal sauvage, mais pourquoi ? Un animal aussi grand et puissant n’existe pas »

David sortit précipitamment, claquant la porte. Il se mit à courir à travers les corridor de la demeure en quête d’espoir. Mais c’était toujours le même tableau peint dans chaque pièce : des griffures profondes sur tout les murs, les portes défoncées, les vitres éclatées et tout les meubles détruits. Plus rien. Il ne restait qu’une unité dans ce chaos : la couleur rouge du sang omniprésente. Partout où il posait les yeux, tout n’était que désolation.

La maison était morte. Il n’y avait eu aucun cauchemar.

Une seule question subsistait dans l’esprit de David, plus importante encore que « qui avait pu ? », plus importante que tout : « Pourquoi suis-je toujours en vie ? » C’était lui le maudit, le malade. C’est lui qui avait demandé la mort, la libération de son enchaînement à la maladie, la disparition de cette « peur sans nom ». Et ce sont ces proches qui sont partis. Pourquoi ?

Une voix lui parvint, de par delà les murs, sifflotant un air triste. David, comme sous le charme, se dirigea vers la mélopée. Cherchant partout, la mélodie provenait de l’extérieur. Jamais il n’avait quitté ces murs, on l’en avait formellement interdit. David ne savait pas si il devait sortir. Maintenant que tout le monde n’est plus, les règles se seraient-elles évanouis avec eux ? L’air était si envoûtant. Le choix fut vite fait entre l’horreur et l’air extérieur. Il franchit la porte d’entrée. L’atmosphère était fraîche, chargée de rosée. Les rayons de soleil venaient caresser sa peau blanche salie. Il vivait un moment merveilleux à ses yeux, un moment qui balaya la tristesse et l’horreur qu’il éprouvait.

La mélodie avait cessé.

« Tu n’es plus le même Père… »

Encore ce spectre, réapparaissant devant David. Soudain la caresse première du soleil se fit plus douloureuse. Le soleil, si clément autrefois, ne semblait plus lui vouloir de bien. Sa peau le faisait souffrir, elle le brûlait.

« Maître, rentre de mettre à l’abri… »
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