Attention, bizarrerie en vue.
Le Déchronologue, de Stéphane Beauverger.
Pourquoi bizarrerie ? D'abord parce que c'est l'effet que produisent les premières pages : "Ouh là, je vais pas tenir un chapitre, moi, avec ce style surchargé et alambiqué".
Total : après deux chapitres on se demande ce qu'on y trouvait d'étrange.
Bizarrerie aussi pour son histoire, assez originale.
Bizarrerie enfin et surtout, parce que... ce n'est
pas raconté dans l'ordre. Les chapitres sont dans le parfait désordre chronologique. Et pourtant - c'est là qu'est le génie de l'auteur - on n'est jamais perdus, il n'y a jamais de redite et, cerise sur le gâteau, bien qu'en fin de compte on connaisse la fin dès le premier chapitre, on vogue de surprise en surprise, l'histoire prend des tours insoupçonnés, et chaque chapitre apporte quelque chose de nouveau. Je ne sais pas si ça a déjà été fait avant, mais j'étais assez épatée. L'histoire se construit non plus de façon linéaire comme dans un roman classique, mais se met en place comme un puzzle dans la tête du lecteur. Ce qui est franchement génial, en plus, c'est que cette forme colle parfaitement au fond, puisqu'il est question de dérèglements temporels et d'époques qui se mélangent...
Mais justement, c'est quoi
l'histoire ? (cherchez pas, je sors du Capes, je suis conditionnée pour bidouiller des transitions).
En raison de ce découpage assez inhabituel, c'est très difficile de résumer sans rien révéler de crucial - et d'ailleurs, c'est très difficile de résumer l'histoire avant les derniers chapitres.
Ce livre parle de
pirates. Au XVIIe siècle dans la mer des
Caraïbes, Henri Villon est capitaine de flibuste d'un vaisseau qui tire du temps (oui oui, du temps). Tout y est : complots, soleil, surnoms exotiques, dents carriées, rhum -ou plutôt tafia- vocabulaire pointu de la
navigation de l'époque (merci à mes cours d'histoire, sinon j'aurais été larguée), etc., etc. ... Mais voilà que dans cette ambiance des plus pittoresques, d'étranges objets, des
maravillas ou merveilles, apparaissent sur le marché. Etranges, car
venues du futur : et voici nos tavernes mal famées éclairées à l'électricité, nos pirates écoutant de la musique folk en se préparant à l'abordage, et nos navires d'interlope aux cales remplies de boîtes de conserve. Mais tout est loin d'être rose. Des
déchirures dans l'espace temps font apparaître des navires fantômes et detructeurs, des ports sont ravagés, un peuple étrange, les Targui, semble mêlé à tout ceci...
J'en ai déjà trop dit.
En gros, j'ai trouvé le livre assez génial, au sens où tout du long je me disais : "wow, il est fort cet auteur !". L'histoire est très bien menée et originale.
Certes, par rapport à mes goûts personnels : c'est
glauque. L'auteur n'a rien à envier à Robin Hobb pour ce qui est de faire souffrir son héros. Et si vous aimez les plaies purulentes et les cachots sordides, vous serez servis. (Personnellement, le premier chapitre sur Carthagène des Indes m'est resté un moment sur l'estomac. Ensuite, je suppose que j'étais devenue immunisée xD).
Par contre, sur la forme, je ne félicite vraiment pas les éditions La Volte ><. Le roman est truffé de fautes de frappe, d'orthographe, voire de mots qui visiblement n'ont rien à faire l'un à côté de l'autre parce qu'on a oublié d'en effacer un des deux (au moins ça permet de voir entre quels adjectifs a hésité l'auteur, certes xD)
Donc voilà, en gros : une perle rare super bien menée et originale, a fortiori si on aime ce qui est sombre, mais même sans ça on peut beaucoup apprécier (la preuve : j'ai aimé).
Pour conclure, parlons le Villon :
Mort de moi, lisez, mes gorets !