En tant que représentant de la race des matérialistes, j'ai décidé de partir en croisade contre les idées ou idéaux. Toutes ces choses qui prétendent élever l'être humain au-dessus de sa nature mais qui, en fin de compte, ne fait que l'avilir.
Le premier de ces idéaux, celui que nous cherchons en vain, c'est le bonheur.
Mon petit Robert définit le bonheur comme l'état de la conscience pleinement satisfaite. Epicure, lui, parlait d' ''ataraxie'' de l'âme, l'absence de trouble. Un concept également utilisé par Confucius pour définir l'homme supérieur, celui qui ne se trouble pas.
Par trouble, ces penseurs entendent bien sûr souffrance et par satisfaction, absence de souffrance.
Un homme heureux, comblé, est un homme qui ne souffre jamais. Ma première réaction en comprenant cela ce fut de considérer qu'un homme heureux est soit un menteur, soit un imbécile. Il paraît que ''bienheureux sont les pauvres d'esprit'' car ils n'ont pas la lucidité des hommes plus intelligent qu'eux. Ils ne verraient du monde que ce qu'ils veulent bien voir et s'épargnerait donc des prises de conscience douloureuses. Dans ma courte vie, j'ai déjà vu trop d'imbéciles souffrir pour croire encore à ça.
La vérité c'est que la souffrance n'épargne personne. Ni vous, ni moi, ni les philosophes, ni les idiots. Les plaisirs se payent de leurs lots de déceptions. Les choses s'équilibrant plus ou moins.
Le bonheur est cette idée que la souffrance peut se terminer, que le cycle peut être rompu. La vie alors ressemblerait à une suite de plaisirs sans fin. Je vous pose la question, comment un plaisir pourrait être goûté, apprécié si l'on ne sait plus ce qu'est la souffrance ? Comment vraiment apprécier un plat si l'on ne sait pas ce qu'est la faim ?
Toute souffrance n'est pas pour autant bénéfique. Dans la vie, si l'on peut éviter la souffrance mieux vaut le faire, surtout si elle n'apporte rien.
Ce que cache le bonheur c'est que la souffrance est une nécessité. Elle donne son goût aux choses et nous apprend le mauvais, celui qu'il faut éviter. C'est un rappel cinglant qu'il ne faut pas se faire trop d'illusion, que les amis peuvent décevoir, que l'amour peut disparaître, que la perfection n'existe pas.
Le bonheur apparaît alors comme une vaine promesse. Pire, comme quelque chose qu'il ne faut pas désirer car refuser de souffrir c'est refuser de vivre dans l'irréel, refuser que la vérité concrète du monde nous rappelle à elle. Atteindre le bonheur c'est se tromper.
Mais il n'y a pas que le bonheur qui est néfaste, sa recherche l'est aussi. Chercher le bonheur, c'est chercher un idéal. Une perfection que personne ne peut atteindre. Rechercher l'inatteignable c'est s'infliger la frustration d'un désir jamais épanché.
En résumé, la quête du bonheur, en plus d'être vaine, est une source de souffrance inutile. Mieux vaut vivre sa vie en n'en assumant les travers que se perdre dans des idéaux futiles et irréels. Le monde des idées est peut-être merveilleux mais le concret finit toujours par se rappeler à nous et le réveil est toujours difficile.